mercredi 13 janvier 2010

~ Philippe Séguin, un destin manqué ~

Le discours du 5 mai 1992, prononcé par Philippe Seguin à l’Assemblée Nationale, pour dénoncer le traité de Maastricht restera comme un très grand moment de la vie politique de la France. Rien n’y manquait : le souffle de l’orateur, la sonorité des mots, le cinglant des formules, la pertinence des propos. Il faudrait remonter à Jaurès ou à Clémenceau pour retrouver un tel monument oratoire. Avec cette force quasi herculéenne, Philippe Seguin dénonçait tous les fléaux de la construction européenne et proclamait l’exigence de souveraineté : « La souveraineté, cela ne se divise pas, ni ne se partage et, bien sûr cela ne se limite pas ».

Ces moments chargés de gravité et d’émotion fondaient une symbiose étroite entre une noble cause et un grand tribun. La suite ne fut pas à la hauteur des espérances engagées. La cause en souffrit ; celui qui la portait aussi.

Nous n’avons pas aimé le discours d’Aix la Chapelle (janvier 1996) par lequel Philippe Seguin, prenant du champ par rapport à la souveraineté plaidait pour « sauver le projet de monnaie unique ». Nous n’avons pas apprécié non plus le discours d’Epinal (mars 1996) où il s’engageait pour une monnaie unique au « service d’une priorité absolue, l’emploi », oubliant que cette liaison était totalement étrangère au traité de Maastricht.

Cette distanciation par rapport à la cause initiale rend compte de l’affaiblissement de l’audience de Philippe Seguin, malgré l’importance des postes occupés : Présidence de l’Assemblée Nationale, présidence du RPR, qu’il ponctua d’éclats verbaux sans lendemain. Son engagement dans les municipales de Paris (2001) l’enlisa dans un combat sans gloire. C’est finalement à la Première présidence de la Cour des Comptes, son administration d’origine, qu’il retrouva une vraie tribune, dénonçant sans complaisance la gabegie des finances publiques, encouragée par des exemples au plus haut niveau de l’Etat.

Si la classe politique aujourd’hui rend un hommage unanime à Philippe Seguin, si le pays profond le regrette sincèrement, c’est parce qu’il marqua une époque où la politique avait un réel panache et où les grandes causes fondaient de grands débats. Alors que le pays s’enlise dans le marasme, que les grands projets sont de grands prétextes pour des petits riens, que la gesticulation voudrait s’imposer comme le degré supérieur de l’action, nous ne pouvons que déplorer la disparition d’un homme de la trempe de Philippe Seguin. Avec un brin de nostalgie pour ce qui, au regard de l’histoire, restera sans doute comme un destin manqué.

5 commentaires:

  1. Merci de votre mot sur Philippe Seguin qui rétablit en termes mesurés jusqu'à l'euphémisme, une vérité qu'avait passablement écornée le mot de Paul-Mari Coûteaux sur le même sujet. Peut-on reconnaître comme un de ses " pères " un personnage qui a, à ce point, tourné le dos à la cause qu'il avait prétendu incarner ? Se reconnaître un tel pére, n'est-il pas un gage de désertion prochaine, voire de désertion déjà réalisée bien que non avouée ? Car passé sa campagne éloquente précédant le vote sur le traité de Maastricht, et dès le soir de ce vote, Philippe Séguin s'est rallié à ses adversaires de la veille, et à partir de ce jour, il ne nous a plus été donné de l'entendre sur ce sujet, le seul qui vaille, puisque celui dont dépendent tous les autres. Il est vrai qu'à l'époque, le résultat tel qu'il s'est produit par la suite était loin d'être acquis, et qu'il était bon, prudence oblige, que l'établissement entretienne plusieurs fers au feu. Si le non venait à l'emporter, il valait mieux que ce fût un des représentants de cet établissement qui en fût à la tête. Et c'est tout naturellement Philippe Seguin qui avait été désigné. Mais n'est-ce pas une habitude familiale ? Comme Chirac avait tenu le discours de Cochin avant de rallier les " cabris ". Comme de Gaulle avait crié " Vive l'Algérie française " avant de crier " Vive l'Algérie algérienne ". Comme Sarkozy le franchouillard des campagnes électorales devient l'européiste des soirs de victoire .

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  3. NOUVELLE UNION DEMOCRATIQUE du TRAVAIL
    Nouvelle UDT

    HOMMAGE à PHILIPPE SEGUIN

    Communiqué de presse

    Paris 9 janvier 2010

    Pupille de la nation (son père est mort pour la France dans la bataille des Vosges) fils d’une institutrice enseignante, il sort de l’ENA à 27 ans après des études universitaires de Lettres et d’Histoire. L’homme du « NON à Maastricht », haute figure de gaullisme social, vient de nous quitter brutalement.

    Tribun hors du commun, dont l’amour du Verbe marquait son indicible amour de la France,

    Philippe Seguin nous laisse orphelins . . . il le fut très jeune…

    Il a donné à la France son visage, sa voix, son intelligence et son talent, mais aussi ses projets (dont son vœu d’un Référendum sur l’emploi, dès Mai 94).
    Il a poussé au meilleur niveau ses capacités d’analyse et d’anticipation.

    Il a violemment dénoncé la logique fédérale, souligné que l’Atlantisme peut créer un nouveau mur et, à tous coups, ardemment défendu la Défense nationale.

    Il rejetait catégoriquement le primat systématique de la finance sur le politique.

    Par son autorité à l’Assemblée nationale, il a enraciné le repère de la souveraineté.


    La Nouvelle Union Démocratique du Travail, héritière du Gaullisme social,
    s’incline avec ferveur face à la mémoire de Philippe Seguin.



    Le Secrétaire Général
    Présidente
    Pierre STOUVENEL Béatrice DECOSTER MALLET
    0673126808 jb.decoster@free.fr


    A relire les"Discours encore et toujours Républicains" on retrouve de ces dires que nous n'avons pas aimé, cette distanciation qu'il ne faut pas omettre.
    En cet immense personnage battait un coeur qui voulait croire, envers et contre tout. Croire que la volonté, le courage, vaincraient la bête ...
    Ceci étant, c'est "le regard de l'histoire" qui redonne toute sa justesse à son action, qui fournit dans les faits la preuve de de la clarté de ses analyses, et qui lui donnera peut-être l'occasion d'avoir eu encore plus raison, une génération écartant la précédente ... jusqu'où ?

    Gardons courage et espoir.
    B.DM


    Prévoyait-il la lâcheté préférentielle?

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  4. Que tout cela est vrai , hélas !
    Quelle ne fut pas ma déception , au tant attendu " affrontement " avec Mitterand, devant le regard presque candide de Philippe Seguin face à la maladie , arme déloyale en l'occurence , interlocuteur trop tendre contre adversaire cynique ....
    Nous savons bien que la politique , exercice ingrat et rebutant , pour certains , est pour d'autres la seconde peau , le masque perpétuel . Mais ces apparences d'hommes d'état , aux deux premiers rangs , en l'église des Invalides , pour l'office religieux , venues comme au théatre , semblait il , ou pour être
    le spectacle , nous ont donné la mesure (et l'immense regret ) de ce qui aurait pu être .
    Françoise Buy Rebaud

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