Un petit séjour dans l’inconfort
La gare dilate ses volumes métalliques, rectilignes sans élégance. Dommage que la SNCF pour ses constructions modernes n’ait pas trouvé son Baltard. La première fois que je vis la gare d’Aix en Provence TGV, je la trouvais triste dans sa géométrie oblongue et sa dominante de gris terne. Dans la brume froide de ce matin du 19 janvier 2011, elle était sinistre.
La gare est située sensiblement plus haut que la voie routière rapide qui la relie à la ville. A la sortie du car, un ascenseur permet de monter à la gare. Ce matin l’ascenseur est en panne. Qu’importe, porter des valises sur un escalier haut et raide constitue une excellente gymnastique. Le grand hall allongé où nous parvenons est tout empli de froideur. Et il n’existe aucune salle d’attente au moins convenablement chauffée.
Ce n’était que le début des désagréments. Le train 6112, en provenance de Marseille arrive à l’heure pour un départ à 9h43. Mais une annonce ne tarde pas à être faite que le train sera retardé de 20 minutes pour des problèmes techniques. Beaucoup de passager sourient d’un air entendu. Les vingt minutes se prolongent. Nouvelle annonce, le train ne partira pas, toujours pour des raisons techniques. Il faut descendre et attendre le prochain train. Retour sur le quai, aussi glacial que le hall ou séjour dans le hall aussi glacial que le quai. Deux jeunes femmes asiatiques mitraillent, elles photographient tout, le train arrêté, le quai, le hall, les écrans de signalisation, les passagers désemparés. Sans doute pour diffuser un peu du ridicule français en Extrême-Orient. Passe une jeune femme contrôleur. Un passager excédé échappe : « Décidemment, les TGV marchent toujours aussi mal ». Un peu accablée, la jeune contrôleuse rétorque : « Je n’y suis pour rien ». Ce qui est d’ailleurs la vérité.
Le train de remplacement est annoncé à 10h33. Il sera repoussé à 10h50. Et il fait toujours aussi froid dans le hall. Les passagers accueillent la nouvelle avec une résignation lassée. Et on s’estime néanmoins heureux car lors des fêtes de fin d’année, beaucoup de voyageurs ont connu bien pire. Finalement, le train dit A Grande Vitesse atteindra Paris Gare de Lyon avec deux heures de retard sur l’horaire initial. J’ai payé le billet au prix fort car c’était « une période de pointe ». Je pense avec nostalgie au bon vieux temps où les gares étaient chauffées et où les trains partaient et arrivaient à l’heure.
Au bon vieux temps, les trains partaient et arrivaient à l'heure, mais les voyages étaient encore plus longs. Ils étaient plus long, mais on ne s'ennuyait pas, on avait le temps de lire, de discuter entre voyageurs et de refaire le monde, l'un ou l'autre sortait un jeu de cartes et des parties acharnées s'engageaient sur une valise posées sur les genoux des partenaires, puis on sortait le casse-croûte qu'on échangeait parfois en savourant les choix des uns et des autres. Aujourd'hui, le voyageur est tendu, pressé et stressé, pendu en permanence au téléphone mobile ou la tête enfoncée dans l'écran de son ordinateur portable, soucieux de ne pas perdre une seconde de son temps précieux, tout en oubliant qu'il est "en train" de perdre le sens de la vie. Ah, que je me souviens avec émotion de ce voyage de Paris à Strasbourg, il y a cinquante ans, qui avait mal commencé car le train été si bondé que tous ceux qui étaient assis serraient les fesses de peur de perdre leur place, lorsque l'un d'entre nous s'est levé pour offrir son siège à une personne debout visiblement fatiguée. Soudain, l'atmosphère s'est décrispée, un mouvement tournant s'est établi, les uns se levant pour céder leur place à l'autre à tour de rôle. Du compartiment, le mouvement s'est étendu rapidement à l'ensemble du wagon. Les conversations se sont engagées et, à l'arrivée cinq heures après, tout le monde s'est embrassé, nous étions devenus amis. J'en rougis encore, c'était la seule fois de ma vie que j'ai embrassé autant de filles à l'heure. Ah, le bon vieux temps !
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